Bonjour Adama, tout d’abord peux-tu nous présenter ton parcours pour les personnes qui ne te connaissent pas encore ?
J’ai commencé la musique à 20 ans, au Sénégal. Ma mère, issue d’une famille modeste et qui était couturière avant de devenir femme au foyer, ne voulait pas que je fasse de la musique. Elle trouvait que ce n’était pas une voie convenable, qui ne m’assurerait pas beaucoup de stabilité. Mon père, médecin, en revanche était un grand amateur d’art, et il m’a encouragé à poursuivre ma passion pour la musique.
J’ai joué dans l’orchestre de Kaolack, mais à la fin des années 90, je me suis installé à Dakar. J’ai préparé le concours de batterie à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Dakar dans les années 2000, et parallèlement à mes études, j’enseignait également la batterie dans des écoles de musique de Dakar. J’ai également joué avec l’orchestre national de Dakar, avec lequel je suis partie en tournée mondiale. J’ai commencé à étudier pendant un an à l’AMR, une école de Jazz à Genève, mais j’ai dû rentrer après un an d’études en raison de problèmes familiaux. En rentrant à Dakar, j’ai eu l’occasion de faire connaissance avec des mélomanes qui travaillaient à la Banque Mondiale et on s’est associé pour ouvrir une école de musique, l’école EHA – Études Acoustique Harmonie.
J’ai essayé de chercher des contacts en Suisse pour m’aider à développer l’école et j’ai trouvé une école de batterie qui s’appelle Drums & co. Nous avons mis en place un programme d’échange universitaire international, où 6 élèves partaient chaque année découvrir d’autres établissements. J’ai aussi contacté des amis en Allemagne et je m’y suis installé quelques temps pour rencontrer des responsables d’école et faire des stages dans une école de percussion à Bielefeld, près de Berlin.
Comment était l’ambiance à Dakar avec les musicien(ne)s professionnel(le)s ?
L’ambiance était très chaleureuse. J’ai eu la chance de jouer sur scène avec le plus grand musicien de Dakar, Youssou N’Dour, à l’occasion de la Semaine Nationale de la Jeunesse, qui consiste à mettre en lumière la créativité des jeunes Sénégalais(es). J’ai aussi fréquenté des instrumentistes sénégalais, des rappeurs, des chanteurs de variété. J’ai fait des tournées avec un reggaeman qui s’appelle Dread Maxim et avec le groupe Acoustic Law. Avec Acoustic Law, on a fait une grande tournée nationale qui a eu beaucoup de succès. On a fait de nombreux festivals, des grandes scènes… J’en garde un très bon souvenir. Désormais je joue dans quelques groupes au hasard des mes rencontres avec les musiciens chez Zicplace comme Melody ou Yasey.
Et d’où te vient cette passion de la batterie ? Y a-t-il des batteurs, des musicien(ne)s ou des styles de musique qui t’ont influencé ?
Oui, je suis un grand admirateur d’Omar Hakim, un musicien américain new-yorkais né dans les années 50. C’est un batteur américain de jazz fusion pop rock. Il m’a beaucoup inspiré et c’est lui qui m’a donné envie de devenir batteur.
Est-ce qu’il y a un projet musical qui t’as particulièrement inspiré ?
Oui, le projet qu’on a fait en 2002-2003 pour amener la musique dans les EHPAD, j’en suis particulièrement fier ! En fait après mon arrivée en France, j’ai fait un an dans une école de musique à Paris puis je me suis lancé dans une formation d’animateur social car j’avais envie de transmettre mes connaissances et de découvrir de nouveaux domaines.
J’ai fait mon projet de mémoire de fin d’études autour de la musicothérapie, dans l’idée de faire chanter et danser les personnes âgées, et leur faire jouer de la musique. Mon stage était dans un EHPAD où les personnes étaient muettes et avaient des handicaps moteurs. La façon dont ils se sont vraiment dévoués à la musique m’a beaucoup marqué, c’était très touchant à voir. La directrice de l’EHPAD dans lequel j’ai fait mon stage souhaitait me recruter à temps plein à l’issue de mon diplôme mais je ne voulais pas quitter Zicplace. Chaque année ils me recontactent pour que j’aille rejouer là-bas !
Justement, comment as-tu entendu parler de Zicplace ?
Alors il faut revenir un peu en arrière : après l’Allemagne, je suis revenu à Dakar pendant un temps puis j’ai déménagé en France pour reprendre les études que j’avais laissées en suspens en Suisse et c’est à ce moment là que j’ai découvert la boutique. Je me suis installé à Montreuil avec mon frère pour étudier dans une école à Paris et un jour, en sortant du métro, je suis passé par hasard devant la vitrine du magasin. J’étais surpris de trouver un magasin de musique par ici à Montreuil, et comme je cherchais des baguettes de batterie je suis entré par curiosité.
Il y avait de très belles batteries acoustiques et électroniques (Alesis, Roland, Yamaha), du haut de gamme (batteries ASPA, batteries Canopus, cymbales Murat Diril frappées à la main en Turquie, hardware DW), et j’ai demandé à Sébastien (qui tient le magasin de musique) si je pouvais les essayer. En jouant, il m’a complimenté sur mes talents musicaux et un client du magasin, qui traînait à la boutique au même moment, m’a demandé si je donnais des cours. Comme j’avais le temps, je lui ai fait un petit cours express. Il m’a proposé de lui en redonner un second le lendemain, alors on s’est donné rendez-vous dans la boutique. Ce jour-là un employé de Zicplace m’a aussi demandé si je pouvais lui donner des cours, et de fil en aiguille, de plus en plus de personnes m’ont demandé de leur enseigner la batterie à Zicplace.
Sébastien m’a rapidement demandé si ça m’intéresserait de faire officiellement partie de la maison en tant que professeur attitré et il m’a engagé en CDI à temps plein à la fin de mon diplôme d’animateur social. Depuis, la demande pour des cours de batterie est devenue tellement importante que j’ai suggéré à Sébastien d’ouvrir une école de musique, et la Zicplace School ouvrira bientôt ses portes ! On est en train de retaper les locaux mais elle devrait être ouverte au public en Septembre 2024. (NDL : Studio Résistance a ouvert à deux pas du magasin de musique Zicplace)
Parlons des cours justement, est-ce qu’ils sont seulement en solo ou il y en avec d’autres profs, en mode Rock ou formation à plusieurs ?
Je fais les deux, des fois je donne des cours particuliers et parfois j’enseigne en mode orchestration avec le prof de guitare, on adore les ateliers et les « jams » entre élèves ! Par exemple les jams thématiques oraganisées (Funk, Raggae, Afro…)
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans l’enseignement de la batterie ?
Transmettre la connaissance, aux enfants surtout. On est dans un monde tellement stressant, ce n’est pas toujours facile de gérer ses émotions. Mais avec la musique c’est plus facile. La batterie est un instrument qui coordonne, qui recentre. Pour les enfants timides par exemple, je trouve que la batterie permet vraiment de se découvrir sous un nouveau jour, de s’exprimer et de valoriser l’image de soi. J’ai également quelques enfants autistes, ils progressent admirablement à la batterie.
Tes élèves ont quel âge ?
J’ai des élèves qui ont entre 5 ans et 75 ans ! En principe j’accepte les élèves à partir de 6 ans, mais lors du passage de cet élève très jeune (4 ans et demi) en compagnie de ses parents, je l’avais laissé toucher à la batterie pour lui montrer rapidement les bases et… il était super doué, avec une coordination instantanée ! J’ai donc fait une exception et je lui ai tout de suite proposé des cours. Avec une chaise spéciale pour que ses pieds puissent toucher la pédale de grosse caisse. Et bien évidemment, les adultes sont les bienvenu(e)s, quel que soit leur âge !
Comment fais-tu pour personnaliser tes cours en fonction des besoins de tes élèves ?
Chaque année on propose des chansons différentes. L’année dernière on travaillait surtout la musique binaire (pop, rock) mais cette année on leur apprend aussi des morceaux en ternaire : jazz, reggae, bossa nova. En 2024, on a proposé une liste de 100 morceaux aux élèves toutes disciplines confondues, pour faire des listes de 3 à 5 morceaux pour des ateliers en commun avec les autres disciplines : cours de piano, cours de basse, cours de guitare. On pourra enregistrer les « jams » des ateliers puisque les nouveaux locaux ont une cabine d’enregistrement avec table de mixage.
Et quels conseils donnerais-tu aux débutant(e)s ?
Commencer par travailler le rythme. C’est primordial, et pas seulement pour la batterie je trouve, ça aide dans la vie de tous les jours aussi. Tout ce qu’on fait dans la vie a un rythme : quand on parle, quand on marche, quand on mange, il y a une rythmique. Chaque individu a son propre rythme. Quand tu « réveilles » ton rythme avec la batterie, je trouve que ça aide vraiment à s’ouvrir et à gagner en confiance. Donc mon conseil c’est de commencer par travailler le rythme lentement, en groovant, avec des musiques que vous affectionnez particulièrement, de jouer en même temps que ces musiques. Par exemple avec le logiciel Tomplay pour sélectionner les pistes et réduire le tempo. Venez découvrir la batterie avec un ou une bassiste, ou un guitariste, car à mes yeux c’est vraiment quelque chose qui donne aux jeunes (ou aux moins jeunes) le plaisir de jouer et ça façonne la créativité. Avec moi, vous saurez jouer de la batterie, avec ou sans partition, au feeling, et vous apprendrez l’écoute de l’autre et le groove. Chaque nuit, le cerveau rejoue, et les roulements et enchaînements finissent par passer !
Quel type d’instruments ou d’équipements sont disponibles chez Zicplace pour s’initier ou se perfectionner à la batterie ?
Zicplace a tout ce qu’il faut, c’est magique ! On a le logiciel Tomplay pour aider les élèves à travailler différents morceaux. On a aussi des batteries acoustiques haut de gamme et des batteries électroniques. On a des livres de partitions de différents niveaux, différentes méthodes de conservatoire. J’aime bien aussi le dictionnaire de batterie organisé par thème, avec pour chaque style le premier batteur et la première chanson qui ont fait un rythme donné.
Tu joues sur quelle batterie et cymbales ? Et avec quelles baguettes ?
J’ai la chance de jouer sur batterie acoustique Canopus fabriquée avec soin au Japon. Mes baguettes sont des Vic Firth, ou des Vincent, ou des Promark avec grip. Et des rods pour prendre soin de mes oreilles au quotidien. Mes cymbales sont principalement des Murat Diril frappées à la main avec un alliage haut de gamme, ainsi que des Sabian, ou des Meinl. J’aime bien aussi les sons plus vintage des cymbales Ufip. L’avantage en travaillant avec un magasin de musique, c’est qu’on prend le meilleur et que chaque semaine on peut changer de setup. Je ne vous dis pas le nombre de batteries acoustiques que j’ai monté, puis fini par vendre d’occasion après un bon réglage 🙂 Le hardware DW est un must. Le siège a aussi son importance, quand on reste 35 heures par semaine assis dessus ! A ne pas négliger !
Qu’est-ce que tu conseilles à tes élèves (ou aux novices qui nous lisent) pour l’achat de leur premier instrument ou équipement de musique ?
D’abord juste une batterie électronique, pour pratiquer chez eux surtout si ils ont des voisins. L’autre point important pour moi, c’est d’avoir des partitions de volume 1 pour débutant(e), mais aussi un cahier de musique, pour pouvoir consigner les points d’amélioration et faire des exercices particuliers entre deux cours. Je repère tout de suite un élève qui n’a pas joué entre 2 cours, mais cela reste très rare avec moi. Si vous n’avez pas de voisins, faites vous plaisir avec une batterie acoustique. On a souvent des occasions chez Zicplace, pour commencer c’est bien : Pearl, Mapex, Yamaha, Tama, Ludwig, Sonor. Evitez les batteries « jouet » ou de marque improbable. Ou les batteries trop « vintage ». Vous commencez avec une grosse caisse, une caisse claire, un charley, puis vous pouvez ajouter 2 toms progressivement. Et à chaque Noël une cymbale 🙂 Nombre de batteuses et de batteurs construisent leur setup petit à petit. Sachant qu’une pédale de grosse caisse (kick) haut de gamme peut valoir le prix d’une batterie acoustique complète d’occasion. Pareil pour une bonne cymbale Ride.
Autre chose, pour les enfants de moins de 6 ans, 30 minutes de cours suffisent. Sinon mes cours durent 1h. J’aime voir le sourire des enfants quand ils entrent dans ma salle, et je suis leur progrès pour toujours.
Et pour finir, y a-t-il un projet musical impliquant tes élèves ou les autres professeurs qui t’as particulièrement marqué ?
La fête de la musique 2023, car chaque année on joue avec nos élèves à l’occasion de la fête de la musique. Au-delà du fait que les parents étaient ravis de voir leurs enfants jouer, c’était impressionnant de voir que des enfants de 6 ans arrivent à jouer sur une batterie en groupe et devant une foule de spectateurs, ce qui n’est pas forcément évident. Constater leurs progrès en direct et voir qu’ils étaient aussi doués m’a impressionné, et ça m’a beaucoup touché de partager ce moment avec eux.
Pour vous inscrire aux cours de musique Zicplace, n’hésitez pas à nous contacter par téléphone au 01 48 30 65 16 ou à nous écrire par Email à sburlet@ziplace.com !